Corps stigmatisés en contexte numérique

Appareil physique et symbolique caractérisant l’être humain (Le Breton, 2008), le corps est soumis à des normes et injonctions permanentes qui déterminent sa légitimité. Ces normes variables selon des catégories telles que le genre, la classe, la race1, la sexualité ou encore l’âge, construisent un idéal corporel fondé sur l’accumulation de critères multiples, auxquels le corps est censé se conformer. Historiquement ancrée, cette codification du corps s’est s’accompagnée de processus de stigmatisation et de domination engendrés par les imaginaires impérialistes et postcoloniaux (Tonda, 2015), et les systèmes de classements sociaux (Bourdieu, 1979) ont contribué à construire des corps socialement différenciés et à établir une hiérarchie de légitimité entre eux. Dès lors, le corps est devenu un enjeu central dans la reproduction des rapports de pouvoir et des inégalités sociales. Ce faisant, les corps les plus hégémoniques – à la manière des corps blancs, minces, valides, présumés hétérosexuels ou cisgenres vus comme standards (Carof, 2021) dans les sociétés occidentales contemporaines – peuvent être pensés comme majorés, car gratifiés d’une valeur ajoutée qui contribue à les situer socialement et à façonner positivement les discours et les regards qui sont portés sur eux. Au contraire, les corps auxquels nous nous intéresserons ici, minorés2 car privés des fonctions, attributs, traits ou formes qui caractérisent les corps dominants ou prétendus « normaux » par la société, sont éloignés de ces standards. De fait, toute marque corporelle de différence, qu’elle soit ostensiblement visible ou qu’elle fasse l’objet d’une tentative de dissimulation, est souvent perçue comme une déviance ; cela pu être observé dans le cas de certaines orientations sexuelles ou identifications de genre (Macé, 2010). Cette différence opère comme un stigmate au sens goffmanien du terme (Goffman, 1975)3, engendrant des processus de discrimination, voire de pathologisation à l’encontre des corps handicapés, trans, gros, maigres, malades ou racisés. Cette stigmatisation se traduit par des difficultés à exposer ces corps dans l’espace public et à les y faire pleinement accepter (Héas et Dargère, 2014), le risque de sanctions sociales y étant plus élevé. En témoignent les cas de personnes médicalement désignées comme obèses ou en surpoids (Burford et Orchard, 2014), ou encore de femmes homosexuelles (Nicaise, 2017). Toutefois, dans une logique de résistance, le corps peut être exposé selon des stratégies de réappropriation ou de dissimulation, à l’exemple de femmes se définissant comme « gouines »4 et qui, pour échapper au stigmate dans l’espace urbain, surinvestissent des actes de féminité pour être identifiées comme hétérosexuelles et se conformer à la norme dominante (ibid.).

Date limite de réception des propositions : 3 février 2026
Retour des décisions aux auteur·ices des propositions : 24 mars 2026

Dossier coordonné par

  • Hélène Bourdeloie (LabSIC, Université Sorbonne Paris Nord)

  • Yann Bruna (Sophiapol, Université Paris-Nanterre)

  • Dimitra Laurence Larochelle (Irméccen, Université Sorbonne Nouvelle)

  • Parution en 2027

Publikationsdatum:

14. August 2025

Frist:

03. Februar 2026

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