Pourquoi m’intéresser à la sociologie du genre?

(in)égalité Analyse

Prof. honoraire René Levy, M.A. Vanessa Näf décembre 2021

Le prof. hon. René Levy, sociologue, répond aux questions de Gender Campus sur son cheminement. Il raconte comment il en est venu à s’intéresser aux rapports sociaux de sexe, quels autres sujets il a étudiés, et quels défis ont jalonné sa carrière.

Entretien réalisé par Vanessa Näf

Quelle était votre première rencontre avec la thématique du genre ?

Je venais de terminer mes études en sociologie quand, en amont de la votation sur les droits politiques des femmes de 1971, la Commission nationale suisse pour l’UNESCO souhaitait réaliser une étude sur la situation des femmes en Suisse. Je faisais partie de la première promotion du tout nouvel Institut de sociologie à l’Université de Zurich, et avec un collègue, Thomas Held, je fus choisi pour réaliser le projet. J’ai accepté sans hésitation, non pas parce que j’aurais déjà été engagé sur ce sujet – quasiment personne ne l’était parmi les chercheuses et chercheurs à ce moment-là, il émergeait plus vite sur le plan politique que dans la recherche – mais parce que d’une part, c’était une chance extraordinaire de participer à la réalisation d’une des premières enquêtes sociologiques nationales sur un sujet passionnant, et que d’autre part, je m’identifiais sans problème avec la cause de l’égalité.

Le mandat était doublement exigeant. D’une part, la littérature sociologique sur le sujet ne faisait que naître à l’époque – Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir (1949) n’était pas précisément une étude sociologique. En face, la date de publication d’un des premiers « manifestes sociologiques » féministes était 1963, The feminine mystique de Betty Friedan, suivi par des publications plus radicales et englobantes, souvent sur les traces du Deuxième sexe, par exemple Kate Millett avec Sexual Politics en 1969 ou Shulamith Firestone en 1970, avec un écho d’abord épars, puis croissant en Europe ; en sociologie française citons notamment Les femmes dans la société marchande d’Andrée Michel (1974). Christine Delphy avait publié un essai plus militant en 1970, que nous découvrions plus tard. Nous lisions, impressionnés, le brûlot pionnier suisse d’Iris von Roten (1958) qui nous sensibilisait à la multiplicité des aspects à considérer et nous confortait dans la posture d’analyse critique de situations généralement considérées comme normales. Nous avons d’ailleurs choisi la photo de couverture de la version allemande de notre rapport en hommage à son livre, « Laufgitter » devenant clôture (cf. illustrations 1 et 2 à la fin de l’article).

N’ayant guère de partenaires scientifiques pour échafauder ou valider notre démarche, nous devions inventer notre approche théorique largement nous-mêmes. Nous le faisions en appliquant aux mondes de la famille et de l’emploi un cadre de référence macrosociologique, formulé en termes d’insertion et de positionnement sociales, sur fonds de la dynamique inégalitaire plus abstraite entre pouvoir et légitimité. Nous étions tous deux pour la première fois responsables d’un projet de recherche empirique d’envergure et qui exigeait, en tous cas au début, des décisions quotidiennes dont nous n’avions pas le sentiment de bien maîtriser les enjeux. Nous vivions donc une situation assez stressante. Notre seul appui solide était le soutien moral imperturbable du directeur de l’Institut, Peter Heintz, pour qui le sujet était à peu près aussi neuf que pour nous.

C’est donc plutôt le sujet qui est venu me choisir que l’inverse. Mais une fois accueilli, je ne l’ai plus lâché tout en changeant passablement de thèmes de recherche avant de revenir à celui de la sexuation des parcours de vie.

Suite directe de l’étude sur la situation des femmes (Held & Levy 1974), ma thèse (Levy 1977) portait sur une conceptualisation sociologique pour l’analyse des parcours de vie, illustrée par ce que j’appelais des biographies-type sexuées. Le constat que dans la société contemporaine les parcours de vie sont sexués – constat rarement thématisé à l’époque – est dû à l’empirie, même si elle était encore peu probante. Les parcours masculins et féminins ne pouvaient pas être identiques, vu notamment les données statistiques sur l’engagement professionnel des hommes et des femmes en Suisse par groupes d’âge.

Quelques informations dans notre questionnaire permettaient d’identifier, dans la vie des personnes interviewées, des étapes en matière de positionnement. Cela permettait de corréler les profils d’insertion des répondant·e·s non seulement avec leur âge, mais aussi avec des étapes définies structurellement pour simuler leur parcours. Les variations entre ces étapes s’avéraient mieux profilées que celles selon l’âge, ce qui donne à penser que la définition structurelle des étapes capte mieux la réalité vécue que l’âge.

Avec la même simulation d’analyse longitudinale, en comparant quatre étapes biographiques successives dans un échantillon de jeunes femmes adultes, j’ai pu sinon prouver, au moins rendre plausible que l’acceptation de la séparation sexuée des rôles (« différence ») préparait le terrain mental ou idéologique à l’acceptation de la subordination des femmes (« inégalité ») (cf. le graphique de l’illustration 3).

Dans la même logique, partant de l’hypothèse qu’on peut accepter un statut inférieur simplement par manque d’alternatives accessibles, une mesure du sentiment des femmes mariées de dépendre de cette situation (« que deviendrai-je si j’étais éjectée de ma situation d’épouse ») variait avec les étapes structurelles assez exactement selon cette hypothèse.

Vos recherches, comment ont-elles évolué ? Quels résultats ou analyses sont ainsi devenues possibles ?

Avant de former le triangle thématique rapports sociaux de sexe - inégalités sociales - parcours de vie qui les résume, mes recherches ont passé par plusieurs méandres. Si elles me permettaient de cumuler des expériences très diverses sur les plans thématiques et méthodologiques, aussi en matière de collaboration en groupe, elles n’étaient pas cumulatives dans le sens d’étapes successives d’un programme d’avancement planifié. Le genre comme thème transversal s’est installé à partir de l’étude « Femmes » et s’est maintenu avec peu d’exceptions – on peut dire que j’en ai fait du mainstreaming thématique à partir de ce moment-là.

Pour énumérer les méandres depuis le début : en tant qu’étudiant, ma première recherche empirique était un travail de séminaire sur les stéréotypes mutuels entre adolescents juifs et non-juifs à l’aide d’un outil de psychologie sociale (le différenciateur sémantique). Ensuite, le sujet des travaux à l’Institut de sociologie était la stratification internationale, c’est à dire les inégalités de développement entre les pays. Suivaient l’étude sur la situation des femmes et son exploitation supplémentaire sur les parcours de vie pour ma thèse.

Ensuite, nouveau changement de sujet, une étude sur l’évolution des thèmes de mobilisation politiques en Suisse de 1945 à 1978 (Kriesi et al. 1981). La proportion des mobilisations féministes, une cinquantaine sur les 6205 événements répertoriés, était faible pendant toute la période (Held & Levy 1983). Cela fait écho au sentiment de minorisation qui avait motivé l’émergence de la deuxième vague féministe à partir du mouvement estudiantin, effervescent mais d’abord dominé par les mâles de « 68 » et leurs intérêts.

Après un projet de réflexion sur l’avenir du travail (Bierter et al. 1988), j’ai pu réaliser un projet de recherche sur la stratification et la mobilité sociales en Suisse (1991-97, Levy et al. 1997). Il m’importait particulièrement de donner une visibilité forte aux relations de genre, d’abord dans le sens d’une comparaison systématique entre hommes et femmes par rapport aux positions sociales atteintes (formation, profession, revenu), par rapport aux différences de mobilité et par rapport à la composition des couples. La majeure partie des couples était homogames en termes de formation et de position professionnelle, mais la proportion des couples à hypogamie masculine était largement supérieure à la situation inverse où le niveau de la partenaire est supérieur à celui du partenaire. Je m’intéressais aussi, pour la première fois, à la typification sexuelle des occupations (ségrégation) et de son intersection avec le positionnement hiérarchique – en quelque sorte en juxtaposant genre personnel (homme-femme) et genre structurel (métier masculinisé, peu typé ou féminisé). Cette comparaison a mis à jour l’apparent paradoxe que c’est surtout dans les professions féminisées que les rares hommes qui les exercent détenaient des positions plus élevées que les femmes, pourtant majoritaires. En termes de mobilité ascendante, on ne peut donc pas dire que les métiers dits féminins seraient plus favorables aux femmes que les autres.

Au début des années 2000, une conjonction d’au moins quatre facteurs était particulièrement favorable. D’une part, j’étais devenu membre d’un panel d’experts du « Fonds national allemand » (DFG). Cette fonction m’a fait découvrir la forte évolution de la recherche sur les parcours de vie en Allemagne (je l’avais quittée après ma thèse en raison d’une vague d’intérêt pour les approches ethnométhodologiques qui marginalisait ma vision, plus structurale).

D’autre part, dans une recherche sur les couples en Suisse qui allait se terminer (Widmer et al. 2003), on avait la possibilité de faire passer un questionnaire rétrospectif, qui fournissait pour la première fois en Suisse des données longitudinales. Les résultats étaient encourageants en montrant une sexuation forte et bien profilée des parcours masculins et féminins (Levy et al. 2006).

De tierce part, le nouvel Institut d’études des trajectoires biographiques venait d’être créé à l’Université de Lausanne avec un beau potentiel de recherche et une autonomie certaine quant aux priorités de recherche.

Et enfin, quatrième facteur, le Panel suisse de ménages (PSM) venait de commencer ses enquêtes. Il était alors possible de convaincre ses responsables d’inclure un module rétrospectif d’après notre modèle. Cet ajout peu coûteux élargissait grandement la base d’informations permettant des analyses plus fines et des résultats plus sûrs qui confirmaient d’ailleurs entièrement les résultats obtenus avec l’enquête sur les couples.

Ce contexte me permettait donc de lancer de véritables analyses longitudinales en important de Brême l’optimal matching, une nouvelle méthode d’analyse de séquences biographiques. Reprenant mon ancien sujet de la sexuation des parcours entre l’insertion familiale et l’insertion professionnelle, nous (Levy & Widmer 2013) pouvions démontrer, cette fois de manière probante, la différence systématique entre les parcours d’hommes et de femmes, entrevue d’abord dans les statistiques de 1970. Ces résultats confirmaient la thèse de la double intégration structurelle des femmes (doppelte Vergesellschaftung), élaborée notamment par la philosophe féministe allemande Becker-Schmidt (1997). Une étude de suite (Le Goff & Levy 2016) a permis d’y ajouter le constat que l’organisation familiale se retraditionnalise systématiquement après des débuts relativement égalitaires, que ce processus ne résulte guère des intentions des partenaires mais plutôt de leurs conditions de vie, et que le point d’infléchissement décisif est la naissance du premier enfant, donc la transition des couples à la parentalité.

Est-ce que le public hors académie a été informé de vos résultats ? Qu’en est-il de leur utilité ?

Dès l’étude sur la situation des femmes en Suisse, le transfert des résultats au monde extra-universitaire me tenait à cœur. Il prenait parfois la forme d’une brochure résumée, déjà pour l’étude « Femmes », aussi pour celle sur la stratification sociale. La première était pour moi une pièce d’apprentissage : ma propre tentative de dire en 60 pages la même chose que sur plus de 300 était inutilisable ; heureusement, l’Alliance des associations féminines (aujourd’hui Alliance F) était prête à payer une journaliste pour en faire une version digeste !

Une autre voie de transfert passait par les médias, sous forme d’articles et d’interviews. Dans le même sens, j’avais toujours le souci de la traduction entre le français et l’allemand. Dans deux cas, il était possible de publier un livre de vulgarisation, sur l’humanisation du travail (Bierter et al. 1988) et sur les mobilisations politiques (Duvanel & Levy 1984), les deux publiés dans les deux langues. Sans oublier de nombreuses conférences et plus rarement la participation à une audition.

Quels sont les effets pratiques de tout ce travail de diffusion ? Chercher à le savoir concrètement est une gageure. Étant donné la nature de mes recherches, je dirais que pour une part plus petite, par exemple, les déléguées à l’égalité ont pu trouver des résultats empiriques utiles à leur travail. Pour une part un peu plus grande, des mises en perspective sociologiques à portée politique ont pu soutenir des démarches pratiques et sensibiliser l’analyse utilement. Mais en général on n’en reçoit aucun écho, l’appréciation reste donc hypothétique.

Quels défis avez-vous rencontrés ? Quels ont été les moments et expériences mémorables, ou les résultats les plus intéressants ?

La réalisation de l’étude « Femmes » était pour moi une véritable épreuve initiatique, surtout par le décalage que nous ressentions entre d’une part nos capacités limitées, nos expériences très minces en recherche autonome et portant sur un sujet nouveau pour nous, et d’autre part notre responsabilité de mener à bien ce projet. En même temps c’était enthousiasmant de pouvoir réaliser une enquête sérieuse à l’échelle nationale, chose encore rarissime à l’époque, et sur un sujet qui nous plaçait au milieu de l’élan féministe renouvelé des années 1970.

Alors que nous craignions que l'étude serait ignorée, elle fit beaucoup de bruit dans les media et en politique et provoqua une tempête de critiques irritées – en néo-français un véritable shitstorm qui durait une année (Borkowski et al. 1981). La Suisse n’avait ostensiblement pas encore l’habitude de se voir ausculter par des enquêtes sociologiques, les politiciens croyaient avoir le monopole du diagnostic légitime de la société, et de toute manière, les sociologues étaient étiquetés comme idéologues de gauche et non comme scientifiques sérieux.

Parmi les défis auxquels je me suis attaqué on pourrait ajouter la faible situation institutionnelle de la sociologie, visible surtout dans sa marginalisation au niveau des nouveaux instruments de financement de la recherche que le Fonds national commençait à expérimenter à partir des années 1990 (Programmes prioritaires de recherche, Pôles de recherche nationaux). En tant que président de la Société suisse de sociologie, je me suis engagé pendant plus d’une décennie dans la politique de la science.

Voyez-vous d’autres défis, ou des défis pour d’autres chercheuses et chercheurs ?

Partant de mes expériences, je vois deux autres défis pour la recherche en matière de discrimination de genre, qui sont probablement assez permanents. Un premier est de prendre en compte toute la complexité du problème au lieu de le réduire à un nombre limité de phénomènes irritants tels que la discrimination salariale ou les stéréotypes de genre. Il s’agit non seulement d’accorder leur place propre à la fois aux aspects culturels et structurels, sans oublier que les structurels sont en général plus « tranquilles », c’est-à-dire peu affichés (certainement moins que les questions d’identité), parfois carrément « invisibles », mais d’autant plus riches en conséquences. Il s’agit aussi de considérer tous les niveaux pertinents de l’organisation sociale. Les relations interpersonnelles, mais aussi les phénomènes macrosociaux (par exemple les régimes d’État providence) et surtout, entre-deux, l’environnement institutionnel qui caractérise une société moderne, qui encadre aussi les parcours et stabilise les rapports sociaux de sexe – bref, qui fait son doing gender structurel. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, il me semble que le bétonnage de l’ordre social genré par la ségrégation sexuelle de la formation professionnelle et celle du marché de l’emploi est encore largement sous-estimé. Idem pour l’influence socialisatrice souvent involontaire qu’exercent les pratiques familiales genrées sur les enfants, due moins aux convictions des partenaires qu’aux contraintes institutionnelles (bien au-delà du manque patent de crèches et d’autres structures de prise en charge extra-familiale des enfants). Les couples doivent s’arranger avec ces contraintes, ce sont elles qui les poussent souvent à se retraditionnaliser, puis leurs enfants grandissent et se construisent dans ce milieu.

Un deuxième défi est constitué par les résistances contre l’égalité. Elles me semblent sous-étudiées par la recherche et aussi sous-thématisées dans le débat public. Pour atteindre l’égalité, il ne suffit pas de se contenter de l’idée qu’après quelques millénaires de discrimination, on peut bien patienter encore quelques décennies pour tenir compte de la proverbiale lenteur des changements politiques. Les phénomènes sociaux ne sont jamais lents en eux-mêmes car ils résultent d’interactions entre de multiples facteurs, souvent divergents, et non d’une simple absence d’influences. L’inertie des objets physiques n’existe pas dans le domaine de la vie en société. La stabilité d’un phénomène social, par exemple d’une forme d’inégalité, se construit et se reproduit continuellement, sinon elle n’existe pas. Ceci vaut également pour le changement : pour produire un changement, il faut que les forces qui le visent l’emportent sur celles qui cherchent à maintenir le statu quo. Le sujet des résistances contre l’égalité ne fait pas exception et mérite d’être développé avec détermination. Il ne s’agit pas de chercher des coupables dans une logique purement individualiste (identification de « méchants » qui confine facilement au complotisme). Tout au contraire, il est plus que probable que le fonctionnement des institutions qui composent la société est encore fortement réglé d’une manière qui crée des résistances structurelles et un doing gender institutionnel. Les résistances de ce type sont d’autant plus efficaces qu’elles se font de manière indirecte et qu’elles sont de ce fait peu visibles. Il n’y a que très peu d’institutions qui visent explicitement à maintenir l’ordre de genre traditionnel, mêmes si elles existent, surtout en politique. Ainsi, l’UDC garde encore au moment de la rédaction de ce blog (fin 2021) dans son programme officiel (p. 78) l’objectif d’abolir les bureaux de l’égalité. Un autre cas de figure, plus sournois, est le non-recours aux spécialistes de la question par des politiciens avant de prendre des décisions en matière de genre alors qu’ils en auraient la possibilité.

S’intéresser aux résistances contre l’égalité ne devrait pas se limiter à étudier le sexisme interindividuel avec ses stéréotypes, ses formes et stratégies d’expression. Il importe de s’intéresser aussi au doing gender institutionnel, avec une attention particulière aux fonctionnements qui présupposent comme normal, c’est-à-dire généralement existants et acceptés, des rapports sociaux de sexe traditionnels (par exemple la répartition des rôles entre les partenaires dans les couples). De tels fonctionnements agissent puissamment comme prophéties autoréalisantes structurelles.

Où et comment avez-vous commencé votre carrière, et comment y avez-vous mis fin ? Qu’est-ce qui a changé ?

Ma carrière professionnelle a commencé à l’Université de Zurich. D’abord en tant qu’assistant, plutôt en douce, mais dans un environnement très mobilisateur. C’était la deuxième moitié des années 1960 (« 68 »), une période de contestation et d’éveil intellectuel contre les œillères de la guerre froide ; on découvrait et critiquait les inégalités et les injustices chez nous et dans le monde. De surcroît j’étudiais la sociologie, discipline clé, et ce dans l’ambiance de démarrage d’un nouvel institut où je faisais partie de la première promotion, et qui était orienté sur la problématique des inégalités internationales.

C’est seulement après, en faisant l’expérience de manières plus scolaires d’organiser les études universitaires (au Canada puis en Suisse romande), que j’ai compris la chance que j’avais eue de pouvoir profiter du modèle humboldtien. Très peu contraignant, surtout dans les disciplines de lettres et de sciences sociales, il permettait une grande liberté de choix des enseignements et du timing individuel des études, une forte responsabilisation de chacune et de chacun, et une prime évidente sur le travail collectif par l’échange d’expériences et de connaissances.

Le reste de ma carrière s’est passé à l’Université de Lausanne. J’y avais candidaté pour un poste à temps partiel sans avoir vraiment l’intention de quitter à mi-chemin un projet de recherche dont j’étais membre. A Lausanne, j’ai fini par pouvoir fonder, au début des années 2000, un institut de recherches en parcours de vie, étant revenu par des méandres au sujet de ma thèse après l’avoir délaissé pendant une bonne vingtaine d’années, revenu aussi au souci de pleinement intégrer dans la recherche sociologique le thème des rapports sociaux de sexe comme dimension à considérer obligatoirement, quel que soit le sujet.

J’ai fini ma carrière en démissionnant de mon poste de professeur et de directeur d’institut à 62 ans, avec le sentiment d’avoir largement donné ce que j’avais à donner dans ce cadre, et d’avoir eu la chance de créer vers la fin de ma carrière des conditions de travail encourageantes à l’image de ce que j’avais vécu quand j’étais moi-même étudiant et assistant.

 

Bibliographie

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Widmer, Eric, Jean Kellerhals, René Levy, Michèle Ernst & Raphael Hammer (2003), Couples contemporains. Cohésion, régulation et conflits. Seismo, Zurich.

Date de publication:

17 décembre 2021

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Auteur·e·s:

Prof. honoraire René Levy, M.A. Vanessa Näf