L’antiféminisme en Suisse, 1971-2001: discours, pratiques et circulations transnationales
L’antiféminisme est un contre-mouvement s’opposant au féminisme. Ses idées ont circulé dans toute l’Europe au fur et à mesure que les femmes réclamaient leur émancipation. Refusant leur droit à l’éducation et au travail, puis à leur autonomie civile et politique au nom de la différence naturelle des sexes et de la tradition, les antiféministes ont ensuite ciblé à partir des années 1970 les droits des femmes à s’émanciper de la structure familiale et à disposer de leur corps. Les discours et protagonistes antiféministes s’adaptent aux nouvelles exigences féministes : les mouvements masculinistes défendant les positions de privilège des hommes face à des femmes considérées comme ayant acquis trop de pouvoir, et les mouvements antiavortement s’opposant aux droits reproductifs deviennent les deux vecteurs principaux de l’antiféminisme à l’échelle internationale.
Aujourd’hui, l’antiféminisme le plus visible se lit dans les communautés masculinistes et les attaques contre les études genre. Organisé ou diffus, l’antiféminisme peut parfois se révéler extrêmement violent (par ex. l’attentat de l’École Polytechnique de Montréal en 1989 ou celui de Toronto en 2018) et constitue une menace pour la démocratie. Comment expliquer le succès de ces idées Alors que le redéploiement contemporain des discours antiféministes, sur internet en particulier, fait l’objet de nombreuses recherches, son histoire reste à écrire.
Largement absent de l’historiographie, le cas suisse offre un point d’observation particulièrement pertinent pour l’analyse de l’antiféminisme en Europe pour deux raisons : étant parmi les derniers États européens à reconnaitre la citoyenneté politique des femmes (1971), l’émergence de groupes antiféministes centrés sur la défense de la famille traditionnelle et/ou hostiles à l’élargissement des droits sexuels peut y être observée dans la continuité avec les groupes antisuffragistes.
Que deviennent ceux-ci lorsqu’il n’est politiquement plus acceptable de s’opposer aux droits civiques des femmes ? D’autre part, en tant que pays multilingue, les acteurs sont liés à des mouvements transnationaux plus ou moins organisés et leur étude permettra d’observer les dynamiques transnationales présentes dans les mouvements antiféministes. Comment les groupes actifs en Suisse participent-ils à la traduction, la diffusion et l’intégration des arguments antiféministes à l’échelle européenne ?
Basé sur l’analyse qualitative d’archives privées et étatiques, de la presse quotidienne et spécialisée, et sur des entretiens d’histoire orale, il est organisé selon deux axes de recherche. L’axe 1 (doctorant·e) analysera les mouvements des pères divorcés en Suisse, qui apparaissent tôt en complaisons internationale (1976). Présents dans l’ensemble de la Suisse, ils sont fortement connectés à l’échelle européenne. Mobilisant des arguments clairement antiféministes, ils sont très actifs dans les débats relatifs au mariage et à la filiation. L’axe 2 (post-doctorant·e) analysera les mouvements chrétiens contre l’avortement qui se constituent dès 1972, composés d’une multitude de groupes qui ne forment pas un bloc homogène. Ceux-ci se rejoignent dans leur vision traditionnelle du rôle des femmes et leur rejet de leur droit à disposer de leur corps.
Par ces deux axes, le projet répondra aux questions générales suivantes : quels sont les acteurs principaux de l’antiféminisme ? Dans quelles coalitions évoluent-ils, au niveau national comme international ? Avec quels arguments et pratiques s’organisent-ils ? Comment s’articule l’antiféminisme avec d’autres idées réactionnaires (antisémitisme, anticommunisme ou encore racisme) ? Enfin, quel impact a-t-il sur le régime de genre et les politiques publiques d’égalité ? Le projet apportera la première analyse de l’antiféminisme en Suisse et de ses interactions avec l’étranger, comblant une lacune importante de la recherche. Il répond ainsi à un enjeu disciplinaire, mais également de société, puisqu’il vise à mieux comprendre les mécanismes de frein mis à l’émancipation des femmes et des minorités de genre en général.
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Projekt Information
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Französisch
Projektstart:
2023
Projektschluss:
2027
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Forschungsthemen:
Anti-Genderismus – Antifeminismus
Männlichkeiten
Abtreibung
Fächer:
Geschichte
Form:
Forschungsprojekt