La reproduction et ses injustices

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La reproduction et ses injustices

Extrait de l'introduction au dossier

1Depuis les cinquante dernières années, le processus biologique de la reproduction humaine est devenu éminemment manipulable. La biomédecine du xxie siècle est parvenue à scinder les différentes opérations que sont l’insémination, la fécondation, la gestation et la naissance, s’autorisant à intervenir de manière inégalée aux fins de favoriser (ou d’empêcher) la mise au monde d’un enfant. Cette capacité inédite repose sur la maîtrise de techniques telles que les hormones de synthèse, l’extraction et la conservation des gamètes (ovocytes et spermatozoïdes), des tissus reproductifs (ovaires et testicules), la culture cellulaire (des embryons), la micromanipulation, la conservation embryonnaire, l’observation et la sélection des gamètes ou le développement embryonnaire in vitro. Ces techniques ne sont pas réservées à l’humain : dans les règnes végétal et animal, on guide depuis longtemps le processus de reproduction à des fins « d’amélioration » et de sélection des espèces. Si l’inquiétude porte aujourd’hui sur la baisse de la fertilité des sols et des humains, il n’est pas inutile de rappeler que dans les années 1970, au moment de la montée en puissance de ces techniques, c’est la crainte, inverse, de la surpopulation humaine qui hante les instances internationales et guide leurs interventions [Murphy, 2012]. Au nom de la croissance économique, des campagnes de limitation des naissances plus ou moins violentes ont été menées auprès de populations prolétarisées, racisées, subalternisées. Le contrôle des populations du Sud global (spectre réactivé par la crise écologique contemporaine [Grino, 2018]) a ainsi été le pendant du développement de la planification familiale dans les pays du Nord global [Angeloff et Gardey, 2015 ; Wahlberg et Gammeltoft, 2018 ; Bühler et al., 2020]. D’emblée, la maîtrise moderne de la reproduction, transversale au monde vivant, possède deux facettes : limitative (sélection, avortement, contraception) et stimulante (procréation médicalement assistée [PMA]) – tout en pouvant être soit imposée, soit souhaitée.

2 Aujourd’hui comme hier, les recours individuels à la médecine reproductive s’inscrivent ainsi dans une carte mondiale de distribution de la fertilité humaine, entre effets « contraceptifs » et « conceptifs ». Ce dossier est consacré non pas à la globalité des enjeux reproductifs, mais à la procréation médicalement assistée et aux injustices que cette pratique véhicule dans le premier quart du xxie siècle. La PMA vise l’obtention d’une grossesse grâce à des moyens techniques orchestrés par le corps médical et recouvre une gamme de pratiques telles que l’insémination artificielle (IA), la fécondation in vitro (FIV), la congélation des gamètes (pour soi ou en vue d’un don d’ovocyte ou de sperme à une personne tierce) ou encore la préservation de la fertilité.

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Publikation Information

Autor_innen:

Raphaël Albospeyre-Thibeau, Mwenza Blell, Delphine Gardey, Sarah Franklin, Solène Gouilhers, Claire Grino, Riikka Homanen, Clotilde Lemarchant, Laura Mamo, Frédéric Neyrat, Élise de La Rochebrochard, Virginie Rozée,

Verlag:

La Découverte, Travail, genre et sociétés 2023/2 (n° 50) «La reproduction et ses injustices»

Sprachen:

Französisch

Stadt:

Paris

Jahr:

2023

Forschungsthemen:

Reproduktion – Kinderherstellung
Gesundheit – Medizin
Geschlechtsidentitäten
Sexuelle Orientierung

Fächer:

Gender Studies, Soziologie, Geschichte

Form:

Zeitschrift