Quand les lesbiennes étaient «séparatistes». Non-mixité lesbienne et résistance féministe

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Quand les lesbiennes étaient «séparatistes». Non-mixité lesbienne et résistances féministes (1970-1980)

Alors que les féministes de la seconde vague ont largement défendu les groupes non mixtes comme un outil de leur combat, Ilana Eloit retrace la lente et difficile légitimation d’espaces autonomes pour les femmes lesbiennes au sein même de ce mouvement.

21 mai 1970, université expérimentale de Vincennes. Un petit groupe de dix-huit femmes, vêtues pour certaines de T-shirts arborant un poing levé dans le symbole de Vénus, donne le coup d’envoi à la première manifestation féministe de l’après-68. Après avoir été accueillies aux cris de « À poil ! À poil ! » par 200 étudiants et militants gauchistes, ces dernières – alors réunies dans l’enceinte d’un amphithéâtre – font part de leur volonté de rester exclusivement entre femmes. Une poignée d’hommes refuse de partir en expliquant vouloir « soutenir » la mobilisation – ce à quoi les féministes répondent : « Nous en avons assez des souteneurs. » C’est ainsi que ce qui allait devenir le Mouvement de libération des femmes (MLF) quelques mois plus tard prit la décision de devenir non mixte. Créé à Paris puis progressivement présent partout en France, le MLF se caractérise notamment par des actions politiques (soutien aux ouvrières grévistes, rédaction du manifeste des 343 pour la liberté d’avorter, etc.), par des manifestations (pour l’avortement, contre le viol, etc.) et par la création de « groupes de conscience » dans lesquels les femmes réfléchissent aux rapports de domination entre les sexes (Pavard et al. 2020). Face au paternalisme des militants d’extrême gauche, et à la différence d’autres groupes féministes de la seconde vague qui adopteront la mixité – comme le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC) –, les féministes du MLF concevaient la non-mixité comme un outil de lutte devant permettre à la fois la conscientisation de l’oppression patriarcale et la reconstruction d’une subjectivité individuelle et collective indépendante du regard et du jugement des hommes.

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Informations sur la publication

Auteur·e·s:

Edité par:

Camille François, Pierre Gilbert, Narguesse Keyhani, Camille Masclet

Maison d'édition:

Métropolitiques, dossier «Espaces non mixtes: l’entre-soi contre les inégalités?»

Langues:

Français

Ville:

La Plaine Saint-Denis

Année:

2022

Thèmes:

Disciplines:

Thématiques:

Orientation affective et sexuelle
Luttes – mouvements sociaux – militantisme

Branches:

Etudes Genre

Type:

Article