Des cadres religieux queer

Des cadres religieux queer (ouverture)

In : Irene Becci et Francesca Prescendi Morresi (dir.) Imaginaires queers. Transgressions religieuses et culturelles à travers l’espace et le temps. Lausanne, BSN Press, 2020, pp. 5-16.

Premières lignes du chapitre :

Malgré des différences culturelles, religieuses et politiques évidentes entre les sociétés de hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs, il semble que sur l’idée d’une différence biologique (anatomique ou génétique) des sexes déterminant une « réalité sexuée » (Bourdieu 1990 : 11) qui soit hétéro-patriarcal il n’y ait que peu de divergences. Une conception binaire du genre posant les femmes à une échelle d’infériorité par rapport aux hommes est une des bases principales des institutions sociales organisant les sociétés.

Dans son célèbre texte « Is Female to Male as Nature is to Culture ? » (1972) l’anthropologue Sherry Ortner (1972) s’interroge sur ce fait culturel postulé comme universel, en argumentant qu’il est fondé sur une conception associant les femmes à la nature par leur rôle reproductif et les hommes à la culture. Par leur capacité de maîtrise, les hommes dans le domaine culturel seraient à même de transcender la nature à travers une action réfléchie et intentionnelle et les femmes exposées aux instincts et aux éruptions spontanées. La hiérarchie découlerait de la supposée supériorité de la culture sur la nature.

Dans les études genre, les religions sont en général un moteur légitimant, reproduisant et renforçant cet ordre binaire de genre, l’associant le plus souvent à une idée de complémentarité. Elles sont conçues comme étant antinomiques à tout projet émancipateur visant à renverser l’ordre social de genre. Cela est surtout le cas si l’on tient compte des religions se trouvant en première ligne, les plus visibles, présentes et impliquées dans la vie institutionnelle de nos sociétés contemporaines dont le fonctionnement se base sur cette binarité…