Lolo et zizi pour petits Gaulois

Lolo et zizi pour petits Gaulois

In : Irene Becci et Francesca Prescendi Morresi (dir.) Imaginaires queers. Transgressions religieuses et culturelles à travers l’espace et le temps. Lausanne, BSN Press, 2020, pp.

Premières lignes du chapitre :

Présents dès la Préhistoire, dans la plupart des civilisations – notamment égyptienne, minoënne, grecque, romaine et jusqu’à l’époque moderne (par exemple en Hongrie) –, de petits vases pourvus d’un bec sur leur panse suscitent l’intérêt des archéologues depuis près de deux siècles. Principalement découverts auprès de jeunes enfants pour les époques antiques, ces petits vases sont très tôt appelés par leurs découvreurs « biberons », « feeding-bottle », « Saugflasche », etc. Notre étude sur ces vases, ciblée sur l’époque gallo-romaine, nous a amenée à déduire (par l’analyse textuelle, archéologique et le recours à des analyses chimiques du contenu) qu’ils ont bien servi à des enfants, pour les faire boire, mais aussi à des adultes malades (Jaeggi et al. 2015 ; Jaeggi, à paraître).

Bien que témoignant d’une certaine créativité des potiers, qui s’exprime surtout par la forme de la panse, le répertoire présente une grande homogénéité : un bec plutôt court et dressé, une petite anse placée à environ 90° du bec et un corps rond. Parmi ce corpus, de rares variantes nous sont apparues comme particulièrement intéressantes : il s’agit d’exemplaires ornés sous le dessous de leur bec par deux petites protubérances, faisant ressembler l’ensemble à un phallus dressé. Au vu des destinataires de ces vases, enfant et malade, comment interpréter ce bec singulier qui, selon notre regard moderne, semble avoir une connotation obscène ?

Pour y répondre, cet article considère le contexte de fabrication de ces vases et explore la signification qui était alors donnée au phallus, ainsi qu’au(x) fluide(s) qu’il produit, et à son pendant féminin : le sein nourricier…