Tracer les frontières de la médecine reproductive

Tracer les frontières de la médecine reproductive entre légalité, responsabilité et légitimité : les médecins face à l’interdiction du don d’ovocytes en Suisse

Début du chapitre

Alors que je traverse le couloir d’un service de procréation médicalement assistée (PMA), des photographies de bébés souriants s’affichent sur les murs. Symboles de la victoire contre l’infertilité, ils me rappellent le but vers lequel tendent les efforts de l’équipe médicale. En effet, les médecins qui travaillent dans ce service contribuent à « fabriquer » des bébés et à soulager la souffrance de couples en mal d’enfants, comme en témoignent ces photos envoyées par des parents en signe de reconnaissance et de remerciement. À cette figure de « bons » médecins s’oppose celle des « mauvais » médecins qui vont « trop loin ». Cette dernière apparaît dans certains magazines laissés à disposition des patients et patientes en salle d’attente. Les cas médiatisés des maternités post-ménopausales y sont utilisés pour débattre des limites et excès de la PMA, ainsi que de la « moralité » des médecins qui la pratiquent dans ces cas. Ces deux figures permettent de mettre en lumière la profonde ambivalence associée au développement des techniques de PMA mettant en jeu leur légitimité, ainsi que la responsabilité des médecins qui les utilisent.

Permettant d’intervenir au cœur même de la création d’un nouvel être, les techniques de PMA suscitent de nombreux questionnements sur les limites de la vie humaine, le statut de nouvelles entités telles que les embryons surnuméraires, le « bien » de l’enfant ou le « droit » d’en avoir un. En Europe, le développement de ces techniques est associé à la production de cadres publics pour les réguler qui prennent des formes variées telles que « auto-régulation du corps médical, non-décisions politiques, interventionnisme étatique » (Varone 2003 : 2)…

In Burton-Jeangros, Claudine ; Hammer, Raphael ; Maffi, Irene (Eds.), Accompagner la naissance. Terrains socio-anthropologiques en Suisse romande, pp. 31-56.